Elephant

Titre : Elephant
Réalisateur : Gus Van Sant
Année : 2003
Acteurs : Alex Frost, Eric Deulen, John Robinson...
Bande-annonce VO

Petit résumé : Une journée ordinaire dans un lycée du fin fond de l'Oregon. John, Elias, Michelle, Jordan, Nicole ou encore Carrie vaquent à leurs occupations habituelles, tout en tentant de gérer leurs propres soucis quotidiens. Pourtant, en ce jour banal, deux élèves marginaux, Alex et Eric, bouc-émissaires de leurs camarades, décident de commettre l'impensable...



Note : 10/10

Critique : 10 ans après sa Palme d'Or à Cannes, impossible d'oublier ce chef d'oeuvre de Gus Van Sant.  Elephant traite avec une douceur et une sensibilité jusqu'alors inégalée de tous les problèmes, graves ou mineurs des adolescents perdus et esseulés. Alors que l'un rêve d'être photographe, l'autre s'occupe en gardant le sourire de son père alcoolique. Les jeunes filles se font vomir entre deux heures de cours, les amoureux se cachent pour s'embrasser, les marginaux sont harcelés.... En résumant cette seule journée qui suffira à gâcher de si nombreuses vies, le réalisateur met le doigt sur les causes possibles de l'omniprésence de la violence adolescente aux Etats-Unis : l'incompréhension et le déni. Les élèves sont des victimes. Victimes de la société américaine, des adultes, du système élitiste ou de leurs pairs. En allant au lycée, ils subissent, sans un mot et sans un reproche un calvaire que personne n'ose nommer. Tout le monde se regarde mais personne ne s'écoute. Durant la séquence d'ouverture, on assiste à un rendez-vous entre John, le gentil lycéen et le principal. John est en retard car il a du prendre soin de son père, alcoolique. Le principal attend une explication, durant plusieurs minutes, sans un mot, puis laisse John partir. Pas un mot, pas un réconfort, pas une seule marque de compréhension : juste un silence inutile et pesant.
Alex et Eric sont les premières victimes de cette négligence. Les insultes, l'ignorance, les attaques physiques... Cette violence quotidienne semble les avoir rendu apathiques. Avec un calme olympien et une assurance, si froide qu'elle n'en est que plus choquante, ils prennent la décision de préparer une fusillade dans leur lycée. Lors de cette scène de tirs, l'atmosphère semble iréelle. Les jeunes hommes se contentent de tirer, sans expression, comme si tout ceci n'était pas vraiment en train d'arriver, comme si ils étaient encore en train de jouer à une jeu de guerre sur leur console de jeu. Ce recul face à un acte aussi inimaginable fait la force du film : Gus Van Sant ne juge pas, il constate. Il montre la réalité terrifiante, sans tabou ni concessions. Il tente de comprendre.  Comment deux enfants, qui mangeaient encore des pancakes préparés avec amour quelques heures plus tôt, peuvent en arriver là ? Comment tous ces élèves peuvent-ils être aussi déconnectés de la réalité, être aussi isolés ?
La réalisation du film, tout en douceur et en crescendo, est tout simplement brillante. Tout au long du film, le spectateur se prend d'affection pour ces véritables gamins perdus, pour cette jeunesse qui disparaîtra en seulement quelques minutes. Avec ses plans larges, et la caméra épaule qui suit de loin les protagonistes, nous sommes spectateurs de ce drame, impuissants. On observe ce lycée, cette micro-société avec distance tout en ayant l'impression de faire partie du film. Chaque minute, chaque scène est offerte par un point de vue différent et est tournée avec lenteur, comme si chaque moment de cette journée était cruciale et méritait une analyse poussée et différente. Enfin, le fait que les personnages soient joués par des acteurs non-professionnels ne les rend que plus vrais.
Alors que les fusillades deviennent presque monnaie courante aux Etats-Unis ces dernières années, Elephant reste un film criant de vérité et un classique boulversant.

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